Batman Begins
Un film de Christopher Nolan
Avec Christian Bale, Katie Holmes, Michael Caine, Gary Oldman, Ken Watanabe, Liam Neeson, Morgan Freeman…
8 ans séparent le film de Cristopher Nolan de l'échec artistique du Batman et Robin de Joël Schumacher. Huit années au cours desquelles la Warner aura constamment cherché des solutions pour relancer une franchise qui avait engendré une "batmania" (au moins aux Etats-Unis) en 1989.
Voir ce nouvel épisode ou plutôt cette refonte totale de la série, permet de prendre la mesure de l'évolution du "film de super-héros" au cours des ces dix dernières années. Si entre la fin des 80's et le milieu des 90's, les Batman de Burton puis de Schumacher voguaient quasiment en solitaire sur le courant des films issus de comics américains (hormis Dick Tracy...), il n'en est plus du tout de même aujourd'hui. Blade, X-Men et autres Spider-man ont fait leurs preuves au box-office et ont innové, en cherchant à ancrer le héros dans un univers plus ou moins en prise avec le réel. Autrement dit, au tournant des années 2000, le super-héros n'est plus jamais coupé du monde sensible. Il naît du réel et s'érige dans celui-ci. Le film qui stigmatise le mieux cette évolution est sans nul doute Incassable de Shyamalan, sorti il y a presque cinq ans.
Batman begins vient après tous ces films, et surtout après Incassable. Nolan l'a dit et redit au cours de la campagne promo, son objectif était de revisiter le mythe de Batman, si ce n'est de le reconstruire. Deux questions s'imposent alors:
D'une part, Batman avait-il besoin de cette relecture des origines ? A la vue de la première partie du film, on est en droit de douter. Le voyage de Bruce Wayne sur les montagnes frôle sans cesse le ridicule et se permet le luxe de mêler Le dernier samouraï, Le masque de Zorro et Star Wars épisode I (cf. cette discussion sur fond de coucher de soleil avec Liam Nesson) en moins d'une demi-heure ! Tout semble mis en oeuvre pour reprendre des films à succès tout en satisfaisant le goût récent du public occidental pour les arts martiaux et l'orientalisme. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Alfred (magnifiquement interprété par Michael Caine) fait remarquer à Bruce Wayne que son accoutrement au sortir de son initiation est "tendance". Oui, Bruce Wayne est à la mode et le reste du film va faire de l'ex-samouraï un parfait James Bond (gadgets, James bond girls, secrétaire, tout y est) en lutte contre des ennemis trop fades.
Ensuite, Nolan a-t-il autre chose à dire que Shyamalan, Singer ou Raimi ? L'une des grandes trouvailles du film est de tendre vers une invisibilité de Batman et du mythe qui l'accompagne, pour mieux révéler sa nature et sa dimension symbolique. Pour Nolan, Batman n'est qu'un emblème, une chauve-souris qui brille dans le ciel étoilé de Gotham. Si Bruce Wayne n'avait pas eu peur des chauve-souris, le symbole qu'incarne Batman aurait été différent. Cette relecture du personnage est assez intéressante bien que Shyamalan disait la même chose, d'une façon plus manichéenne : Bruce Willis était le symbole du Bien, tandis que Samuel L. Jackson était son antagoniste. Par ailleurs, les emprunts à Sam Raimi sont assez nombreux, tant dans la recherche du costume "définitif" que dans cette scène où un tramway remplace à peu de choses près le métro de Spider-man 2. Plus curieusement, quand il cherche à relancer une intrigue en panne de moteur, le film pioche allègrement dans le premier Batman de Burton. Rappelons à cette occasion que ce film lorgnait déjà du côté du film noir hollywoodien, que le Joker répandait sur un quartier de Gotham un Gaz mortel et que le seul antidote à celui-ci avait été remis par Batman à Vicky Vale, sa copine d'alors. Toute ressemblance avec des scènes de ce Batman begins serait bien évidemment fortuite...
En résumé, si le montage, la photo et les seconds rôles sauvent le film du naufrage, le réalisateur de Memento et Insomnia déçoit quelque peu. Son Batman est bien fade, à l'image des "méchants" qu'il doit combattre. Les meilleurs moments sont ceux rappelant le premier opus de Burton. Espérons que les deux suites d'ores et déjà prévues (axées sur la capture puis le procès du Joker) saurons se hisser au niveau d'un Spider-man 2 ou d'un Batman returns.
P.S: chers doubleurs, pensez à atténuer la différence entre la voix de Bruce Wayne et celle de Batman dans la VF. On a la curieuse impression d'entendre le "ça va rugir de plaisir" d'une pub pour une barre chocolatée bien connue.
Aurélien Dauge
30/06/2005